Etude sur les résidus médicamenteux dans les eaux de consommation / Medecine
La présence de substances émergentes dans l'environnement à l'état de traces et notamment celle de résidus de médicaments dans les eaux interroge depuis quelques années l'opinion publique, la communauté scientifique et les autorités publiques. La question des risques sanitaires liés à ces substances est en particulier posée. Actuellement, il n'existe pas de limite de qualité pour les résidus de médicaments dans les eaux et les réglementations, européenne et française, ne prévoient pas de les rechercher.
Une campagne nationale couvrant le quart de la population
Dans ce contexte et bien qu'aucune étude n'ait démontré à ce jour de risque sanitaire lié à la présence de résidus de médicaments dans l'eau, le ministère chargé de la santé a souhaité dresser un bilan de la présence de ces substances dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Il a ainsi renforcé dès 2006 la recherche de ces éléments et a lancé en septembre 2009, en collaboration avec le laboratoire Anses d'hydrologie de Nancy, une campagne nationale de mesures de 45 substances pharmaceutiques d'origine humaine, vétérinaire ou de leurs métabolites, sur la base d'une liste établie par l'Anses et l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).
La stratégie de sélection des sites de prélèvements a permis de couvrir près d'un quart de la population en France métropolitaine et dans les DOM. Tous les départements ont pu être investigués. Les prélèvements ont été effectués sur des ressources utilisées pour la production d'eau destinée à la consommation humaine (eau de surface et eau souterraine) et sur des eaux traitées, en sortie de station de potabilisation.
Cette campagne a pris fin en juin 2010. Ces résultats concernent les eaux brutes (superficielles ou souterraines avant traitement de potabilisation) et les eaux traitées. L'exploitation finale des résultats, prenant notamment en compte des éléments de contexte, a été remise en janvier 2011.
Premiers résultats
S'agissant des eaux brutes, environ 285 échantillons ont été analysés, 2/3 des échantillons étant des eaux d'origine souterraine et 1/3 des eaux d'origine superficielle. Les eaux traitées correspondant à ces eaux brutes représentent en termes de débit d'eaux distribuées 24% de la population de l'ensemble du territoire national.
Sur la base du travail de hiérarchisation réalisé par l'Afssaps et l'Afssa en 2008, 45 molécules ont pu être recherchées dans le cadre de cette étude. Les principales classes pharmacologiques de médicaments y sont représentées.
Pour environ 75% des échantillons d'eau traitée qu'elles soient d'origine souterraine ou superficielle, aucune de ces 45 molécules n'a été quantifiée (hors caféine qui est par ailleurs un marqueur de l'activité humaine). Pour les 25% d'échantillons positifs, les analyses révèlent généralement la présence simultanée d'une à quatre molécules.
Parmi les 45 molécules recherchées, 26 n'ont jamais été retrouvées. Dix-neuf ont été détectées au moins 1 fois, parmi lesquelles 5 étaient présentes à des concentrations trop faibles pour pouvoir être quantifiées. Hormis la caféine, les molécules les plus fréquemment retrouvées sont la carbamazépine (anti-épileptique) et son principal métabolite ainsi que l'oxazépam (anxiolytique) qui est à la fois une molécule mère et un métabolite de benzodiazépines.
Plus de 90% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée inférieure à 25 ng/L et moins de 5% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée supérieure à 100 ng/L.
Dans les eaux brutes, on retrouve les trois mêmes molécules principales. Toutefois, un plus grand nombre de substances (30 vs 19) a pu être identifié à des concentrations parfois plus fortes que dans les eaux traitées. La valeur maximale retrouvée n'excède pas 450 ng/L et ne concerne qu'une seule substance. La comparaison eaux brutes/eaux traitées semble ainsi illustrer l'efficacité des filières de traitement. Les résultats de cette étude ont également montré que la carbamazépine pourrait constituer une molécule « témoin » attestant de la présence et de la persistance de médicaments dans l'eau.
Vers l'évaluation des risques
Concomitamment à la préparation de cette campagne, l'Anses et l'Afssaps ont été saisies par la Direction générale de la santé afin de réaliser l'évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine.
L'objectif de cette évaluation des risques est d'estimer la pertinence d'intégrer ou non certaines molécules dans le contrôle sanitaire des eaux. L'évaluation des risques sanitaires est particulièrement complexe, notamment en raison des faibles concentrations rencontrées et des effets biologiques variables qu'il faudrait investiguer. Les concentrations trouvées dans les eaux traitées sont 1 000 à 1 million de fois inférieures aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques.
L'Anses et l'Afssaps travaillent à la définition d'une méthodologie générale pour l'évaluation de ces risques. Un premier volet relatif à l'évaluation de l'exposition hydrique a été publié en juin 2010. Les travaux sur la méthodologie globale se poursuivent et leur application est testée sur la carbamazépine, substance la plus fréquemment retrouvée. Une fois la méthodologie générale d'évaluation des risques consolidée, l'évaluation se poursuivra pour certaines molécules-type, quantifiées dans l'eau au cours de cette campagne, utilisées en médecine humaine et/ou vétérinaire.
Pour mémoire, l'évaluation du risque environnemental lié aux résidus de médicament est déjà conduite par les agences sanitaires lors de l'examen des demandes de mise sur le marché des médicaments aussi bien à usage humain que vétérinaire et constitue une première étape de réduction du risque.
Le plan de maîtrise des résidus de médicaments constitue la suite des travaux du Plan national santé environnement 2004-2008 (PNSE1) et s'inscrit dans le PNSE 2 (2009-2013) parmi les risques émergents et, à un moindre degré, parmi les contaminants de l'eau. En effet, à ce titre, viennent en premier lieu les substances dangereuses connues, en particulier les HAP (hydrocarbures aliphatiques polycycliques), les nitrates, les pesticides afin d'en limiter les apports dans le milieu aquatique et les sous-produits de désinfection dans la maîtrise de la qualité de l'eau distribuée.
Dans ce contexte, un plan interministériel d'actions sur les résidus de médicaments dans les eaux, co-piloté par les ministères chargés de l'environnement et de la santé, structure la recherche dans ce domaine. Ce plan vise, à titre préventif, à améliorer la réduction des rejets dans l'environnement. Toutes les parties prenantes ont été associées aux travaux préparatoires : institutionnels, professionnels de santé, universitaires, chercheurs, industriels, associations d'usagers, de patients et de défense de l'environnement. La publication du plan d'actions est prévue pour le 1er trimestre 2011.